Imaginez que vous soyez seule en pleine forêt. Préféreriez-vous croiser la route d’un homme ou celle d’un ours ? |
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L'homme est un ours pour la femme |
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Imaginez que vous soyez seule en pleine forêt. Préféreriez-vous croiser la route d’un homme ou celle d’un ours ? Cette question circule depuis quelque temps sur les réseaux sociaux et la majorité des femmes opte pour l’ours. Voici certains de leurs arguments : “Si je suis agressée par un ours et que je m’en sors, on me croira sûrement plus que si c’est un homme“ ; “Personne essaiera de trouver des excuses à l’ours“ ; “L’ours me tuera direct alors que l’homme va me violer et me torturer avant de me tuer“ ; “C’est normal qu’un ours soit dans la forêt, mais un homme tout seul, la nuit, qu’est-ce qu’il fout là ? Si j’ai pas d’indices sur qui il est, je préfère pas prendre le risque et choisir l’ours“. Si cette “tendance“ a été commentée par tous les médias depuis dix jours, c’est une chronique de Lisa Hadef qui a retenu mon attention (à voir ici). Le 6 mai, sur le plateau de BFMTV, lorsqu’elle lit le commentaire “Si tu te fais attaquer par un ours, au moins on te croira“, la journaliste-présentatrice Pascale de La Tour du Pin s’exclame “Ah ah ah, ça c’est drôle !“. En effet, nombre de gens (beaucoup d’hommes, mais aussi des femmes, cf. mon exemple) semblent s’amuser de ce débat et le tourner en dérision. Mais pouvons-nous réellement rire de ces arguments ? Ne faudrait-il pas plutôt en pleurer ? J’ajoute que la question a aussi été posée à des pères de famille, avec cette nuance : “Préféreriez-vous que votre fille se retrouve seule en forêt avec un homme ou avec un ours ?“ Leur réponse ? Un ours, of course, car ils ne font pas confiance aux autres hommes. J’en ai discuté avec Émilie Dardenne, maîtresse de conférences en études animales et membre de l’Institut Universitaire de France, qui est spécialiste des relations entre les humains et les animaux, ainsi que de leurs représentations culturelles dans les arts. “Je dirais d’abord que cela révèle certainement une méconnaissance sur ce qu’est un ours et ce que ça fait de se retrouver face à cet animal, commence-t-elle. Dans d’autres cultures qu’en France, comme aux États-Unis ou au Canada où les ours sont présents, on se méfie quand même beaucoup d’eux, ce sont des animaux sauvages puissants et on fait tout ce qu’on peut pour éviter de les croiser.“ Selon Émilie Dardenne, cette tendance est le reflet d’une relation symbolique, positive mais très éloignée de la réalité, que nous entretenons avec les ours. “Dans l’univers culturel enfantin, c’est particulièrement le cas avec les nounours. Tout cela fait partie d’une culture fantasmée qui s’est développée de façon générale autour de certains animaux à partir du XIXème. C’est une époque où l’on a eu de moins en moins de contacts réels avec eux : les abattoirs ont été déplacés hors des villes, les animaux de ferme n’étaient plus présents au quotidien autour des gens. Cette disparition s’est transformée par un foisonnement des animaux en littérature puis, au XXème siècle, dans les dessins animés, la publicité, les films. Dans l’univers Disney, par exemple, on atteint des sommets d’anthropomorphisation. On ne peut pas du tout faire confiance à la représentation que nous avons de certains animaux à travers la culture populaire.“ Il me semblait important de préciser ce point, au cas où vous vous posiez sincèrement la question de savoir si les ours étaient aussi sympa que Baloo dans Le Livre de la jungle. Cependant, dans cette affaire, le sujet n’est pas tellement de savoir si les ours sont dangereux ou non. Des internautes masculins ont d’ailleurs décliné la question en remplaçant l’ours par un puma, un loup ou un lion, comme s’il s’agissait de l’emporter et de pouvoir dire : “Ah ! Voilà ! Les femmes ont moins peur des hommes que des pumas, youpi tralala !“. Chers amis, désolée de vous décevoir (non), mais déplacer le problème ne le règle pas. |
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“Finalement, cette tendance dit beaucoup plus de choses de la relation entre les hommes et les femmes que de celle entre les humains et les ours, explique Émilie Dardenne. C’est une façon détournée pour les femmes de dire qu’elles se méfient des hommes.“ Et c’est en cela que je ne la trouve pas “drôle“ du tout. Rendez-vous compte : le harcèlement, les agressions sexuelles et les viols sont si fréquents que la plupart des femmes interrogées projettent davantage l’image du prédateur sur leurs frères humains que sur d'autres mammifères. Ce que démontre cette tendance, c’est effectivement que les femmes ne croisent pas beaucoup d’ours (sur ce point, je rejoins Émilie Dardenne), mais surtout qu’elles ont croisé et craint assez d’hommes pour en déduire qu’ils représentent pour elles un danger plus élevé. Si cela choque autant les hommes qui s’évertuent à montrer patte blanche à grands coups de #NotAllMen (“pas tous les hommes“), c’est parce que la culture populaire nous a longtemps enseigné l’inverse. C’est ce qu’explique Typhaine D dans son brillant spectacle Contes à rebours*, lorsqu’elle parle du Petit Chaperon rouge. Je lui ai passé un coup de fil afin qu’elle m’en dise plus. “Quand il y a des méchants dans les contes, ce sont presque toujours autre chose que des hommes : le grand méchant loup, le loup-garou, des êtres animalisés comme le satyre dans la mythologie… Quelle arnaque merveilleuse de nous amener à penser que la figure de l’homme - qui plus est armé quand il s’agit d’un chasseur - est celle qui va nous sauver ! On nous apprend à avoir peur de la vieille dame qui habite en bordure de la forêt, de la 'sorcière', du loup ou de l’ours qu’on ne croisera jamais, tout ça pour qu’on ne se méfie pas de l’homme, qu’on n'ait pas peur de lui et qu’on attende toujours qu’il soit notre sauveur. Mais il nous sauve de qui, en fait ? Qui, dans la vraie vie, confisque nos forêts tout l'hiver et nous y tue à ‘balles perdues’ ? Qui est surreprésenté parmi les coupables de féminicides conjugaux, dont un sur quatre est commis avec une arme de chasse ? Le loup, la sorcière, ou... le chasseur ? Autrement dit, qui est le véritable danger : l'animal, la femme ou... l'homme ?“ En échangeant avec Typhaine D et Émilie Dardenne, je prends conscience du fait que les agresseurs sont très souvent symbolisés par ou comparés à des animaux. Songeons au mouvement “Balance ton porc“, équivalent français de “Me Too“. “L’animalisation des humains est un procédé par lequel on signifie une infériorisation, détaille la maîtresse de conférences. Comparer des hommes à des porcs ou des chiens, c'est dire qu’ils ne sont pas dignes de leur humanité. En réalité, les porcs n’ont rien à voir avec les abus sexuels perpétrés par des hommes puissants sur des femmes. C'est lié à la symbolique de ce que nous nous associons à l’image du porc, qui est culturellement l’un des animaux les plus malmenés. Des études en psychologie sociale ont montré qu’on a tendance à sous-estimer les capacités des animaux qu’on mange, ce qui nous permet plus facilement de nous mettre en accord avec nos valeurs quand on se retrouve devant notre assiette.“ Mais dire d’un auteur de violences sexuelles qu’il est “un porc“ ou “un gros cochon“ n’est-il pas aussi un moyen de mettre à distance le fait qu’il soit un homme ? De rejeter la faute sur un prétendu instinct bestial ? Donc de ne pas reconnaître que - précisément en tant qu’homme - il est capable de se comporter moins bien qu’un animal ? “Moi, je suis toujours très vigilante à ne pas comparer des humains à des animaux,me répond Émilie Dardenne, même quand on veut dénoter le fait qu’ils se comportent mal. Je ne le fais pas car je suis très sensibilisée à la question de l'animalisation, bien sûr, et que je trouve ça injuste, mais en même temps, il est très difficile de ne pas le faire car c'est une tendance tellement généralisée et profondément inscrite dans nos rapports sociaux. Concernant votre dernière question, je serais un peu prudente car cela convoque d’autres sujets que je ne maîtrise pas forcément. Je dirais qu’il faut faire attention à ce que ce ne soit pas essentialisant pour les hommes, et qu’il faudrait, en effet, essayer de ne plus signaler les comportements agressifs des hommes en les renvoyant à des animaux puisque les animaux n’ont rien à voir là-dedans.“ Au IIème siècle av. J.-C., l’auteur latin Plaute écrivait dans La Comédie des Ânes : “Quand on ne le connaît pas, l’homme est un loup pour l’homme“. L’Histoire n’a retenu que la seconde partie de ce dicton qui, s’il avait été un tweet, n’aurait pas manqué de faire débat. En 1993, l’anthropologue québécois Serge Bouchard commentait d’ailleurs : “L’homme est un loup pour l’homme, ce qui, vous en conviendrez, n’est pas très gentil pour le loup.“ Alors, si l’humanité reconnaît depuis plus de 2000 ans que l’homme est un loup pour l’homme, ne soyons pas si choqués qu’il soit aussi un ours pour la femme. Hashtag polyvalence ! – Les deux spectacles féministes animalistes de Typhaine D, "Contes à Rebours" et "La Pérille Mortelle", sont encore au Café de la Gare à Paris en mai et en juin, puis elle sera au Festival d'Avignon du 2 au 21 juillet au Théâtre des Lila's. Plus d’informations ici. |
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En France, 1 femme sur 7 est victime de violences sexuelles au cours de sa vie, et 3 enfants par classe sont victimes de violences sexuelles. Le Collectif Féministe Contre le Viol a récemment publié un livret illustré (par Mélanie Body) à destination des victimes de viols ou d’agressions sexuelles afin de les aider à connaîtres leurs droits. “Ce que dit la loi“, “La stratégie de l’agresseur“, “Les différentes étapes de la procédure“, les ressources à connaître… ce sont 70 pages très claires en cas de besoin (même dans l'hypothèse où vous seriez témoin). Je vous en parle car le livret est accessible gratuitement, soit en le téléchargeant (ici) soit en le commandant (ici), et qu'il s'agit d'un outil précieux ! |
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“Nous allons visionner une série d'extraits de films prestigieux, des Palmes d’or et des Oscars, des grands classiques et autres œuvres connues… nous verrons comment la conception des plans est genrée.“ Dans sa conférence “Sexe et pouvoir : le langage visuel du cinéma“, la réalisatrice Nina Menkes analyse plus de 175 films et démontre comment le langage visuel du cinéma est directement lié à la discrimination au travail des femmes et à l’omniprésence de la violence sexuelle dans notre société. C’est absolument passionnant, éminemment important, et la bonne nouvelle est qu’elle en a fait un documentaire :Brainwashed - Le sexisme au cinéma, disponible sur Arte.tv. Vous aurez notamment le plaisir d’y entendre Laura Mulvey, théoricienne du cinéma à qui nous devons la notion de “male gaze“ et qui a identifié “la façon dont la société patriarcale a structuré la forme cinématographique“. |
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“J’étais sûre d’être celle qui avait choisi sa vie, j’étais sûre de savourer la liberté, de choisir la solution la moins mauvaise.“ Ferdaous est condamnée à mort pour avoir commis un meurtre. Quelques heures avant son exécution, elle se confie à une psychiatre et lui raconte sa vie, son enfance, son excision, son expérience de la prostitution… et surtout, surtout, sa soif inextinguible de liberté. Ferdaous, une voix en enfer, est un seule-en-scène adapté du roman éponyme de Nawal El Saadawi, psychiatre égyptienne, autrice et militante féministe disparue en 2021. C’est une œuvre bouleversante, magnifiquement interprétée par Samya Oubrahim et mise en scène par Leïla Oubrahim. Il s’agit d’une jeune création théâtrale, auto-produite, que j’ai eu la chance de découvrir récemment et que vous pourrez voir jeudi prochain, le 23 mai, à 16 heures au Théâtre de La Huchette, à Paris. L’entrée est libre sur réservation (écrire à : reservation@theatre-huchette.com). Ce texte mérite beaucoup de soutien ! |
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Parce que nous serons toutes d’accord pour affirmer que la liberté est notre bien le plus précieux, je vous conseille l’ouvrage feel good de Harmony Albertini, Bordel soyons libres !, paru chez Larousse. Cette “experte en libération du corps et de l’esprit“ partage “sept secrets pour vivre une vie puissante et affranchie“ : 1) Non, je ne suis pas coupable, 2) Mon corps n’est pas fait pour être beau, 3) Pète les barreaux de ta prison, 4) Que dirait ta mamie intérieure ?, 5) Si tu as peur, c’est que tu dois le faire, 6) Et pourquoi t’as pas confiance en tes émotions ?, 7) En fait, tout est parfait. Agréable à lire, j’ai particulièrement aimé la partie 6 sur les peurs - de la solitude, du jugement, du manque, la peur de décevoir… - ainsi que les pages d’exercices pour se débarrasser de ses blocages. “Si tu mets ta main sur le cœur, tu entendras la liberté se battre pour toi“, écrit Albertini à la fin de son livre. C’est joli. |
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Le post Simone de la semaine |
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“Quand on fait plus de 120 kilos, il arrive assez souvent qu’on puisse en dernier recours envoyer les personnes grosses à l’école vétérinaire…“ Journaliste, fondatrice de La Grosse Asso et autrice de “Montez d'abord sur la balance !“ (First éditions), Aline Thomas nous parle de la grossophobie dans le milieu médical. |
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Que faire avec de belles mais vieilles assiettes en porcelaine abîmées ? Non, pas des frisbees, mamie ne vous le pardonnerait pas. Karolina, la créatrice de Studio Karolin, a trouvé la solution après avoir cassé l’une des siennes : des bijoux. Des pièces uniques, chics et éco-responsables fabriquées à la main en Nouvelle-Aquitaine. Bagues, colliers, boucles d’oreilles et autres broches : foncez donc découvrir ces chouettes créations qui donnent une seconde vie à la vaisselle en faïence ou en porcelaine. Et pour les plus sensibles d’entre nous, sachez que tout ça est travaillé avec des métaux hypoallergéniques comme du laiton ou de l’acier inoxydable. Mais non, ce n’est pas une raison pour casser volontairement vos assiettes, mamie is still watching. |
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